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5 février 2014

LE MEILLEUR DES PASSES TEMPS EN PRISON, EST D’ESSAYER D’EN SORTIR …

GLATZGlatz. Ce nom sonne aussi froid et sec que ses murs. Terrible forteresse Prussienne, elle est perchée sur un imposant piton rocheux. Sur cet oppidum aux redoutables remparts sont enfermés certains prisonniers d’état pour qui le simple mot ‘d’évasion’ n’est qu’un doux fantasme …

Pourtant, en cette nuit de 1746, sur le mur extérieur d’une des plus hautes tours, un homme accroché à un câble descend à la force des bras les 24m qui le séparent du sol. Sous la pluie et dans l’obscurité, il se laisse doucement glisser vers la liberté ! En regardant au-dessus de lui, il aperçoit encore la fenêtre par laquelle il est sorti et les barreaux de fer qu’il a inlassablement scié avec un petit canif auquel il avait fait des dents. Il avait ensuite pris la malle en cuir où il rangeait ses vêtements, et l’avait découpée en lanières pour les attacher bout à bout. En y ajoutant ses draps, il avait obtenu un câble assez long pour atteindre le sol.

Il continue sa descente le cœur bâtant. Il y est presque, et cette fois c’est la bonne ! se dit-il ! En effet, quelques temps auparavant, il avait déjà tenté de s’extirper de cette prison à triple enceintes. Il avait alors monté un plan parfait avec deux des gardes de la forteresse. Ceux-ci étaient prêts à le faire sortir. Seulement, par compassion, notre homme proposa à un codétenu de s’enfuir avec lui. Au début enthousiaste, ce dernier finalement le trahit et le dénonce, lui et les deux gardes, en échange de sa libération ‘officielle’ ! (1) C’est ainsi que notre prisonnier se retrouva enfermé dans la haute tour, qu’il est en train de descendre maintenant…
Ça y est ! Ses pieds touchent le sol. Il lâche son câble, se frotte le visage mouillé, se retourne et ... se retrouve devant une fosse !
Un égout infect passant devant la forteresse et le séparant de la ville. L’odeur était aussi écœurante que l’aspect des immondices. Pourtant, ce réceptacle de tous les déchets de la cité était la seule chose qui le séparait de la délivrance. Refoulant son dégout, il s’y enfonce jusqu’aux genoux. Il avance à travers les abjections qui se mêlent à la boue et forme une gadoue presque compacte, à tel point que, à mi-chemin, il reste coincé ! Impossible d’avancer. Il est complètement englué dans cette mélasse vomitive. « Non ! Si près du but ! » Son poing enragé vient frapper la surface de l’eau boueuse qui éclabousse son visage. Il est fait comme un rat. Il doit se résoudre à faire l’impensable : appeler la garde a l’aide !

Sur les remparts, un soldat entend des cris. Il se penche, mais ne voit rien. Il descend vers les appels à l’aide, et arrivants devant l’égout, les gardes stupéfiés s’écrient : « Bon sang ! C’est Trenck !! »

Le Baron Frédérik de Trenck !

TRENCK CADREComment ce noble Baron (2), qui a servit dans l’armée prussienne et qui a était garde du corps du Roi Frédéric II, se retrouve-t-il obligé de s’évader de Glatz, et subit la risée des gardes qui le montrent du doigt coincé dans cette fosse à ordures ?!

Pour comprendre, il faut remonter en 1744, à l’époque où Trenck a 18 ans. Il est grand, il est beau, il est très calé en science. Il sait manier aussi bien les verbes que les armes (à 14 puis à 16 ans il remporte deux duels qui font déjà la renommé de son courage). Tout cela fait que le Roi de Prusse, Alexandre II, entend parler de lui. Il le convoque alors à Berlin, sa fameuse ville militaire protégée d’une palissade en bois formant une étoile autour de la ville. Le roi commence par le tester, et lui demande de traduire, en trois langues différentes, les réponses pour des dépêches diplomatiques. La culture et l’esprit de Trenck font son effet. Le roi l’envoie alors sur le champ de bataille, et là, c’est du sensationnel ! Trenck rentre aussitôt dans le cercle d’élite du roi, où brillent déjà certains intellectuels d’Europe comme Voltaire. Tout réussit à Trenck !

Un jour, Alexandre ayant deux sœurs, marie l’ainée avec le roi de Suède. C’est l’occasion pour un grand bal au palais. Trenck est garde du corps du roi, et ce soir là, il fait la police pour veiller à l’ordre général. Il est habillé de son uniforme, avec son veston, son épée à la taille et son écharpe à franges d’or qui … ça alors !! Les franges d’or de l’écharpe ! On les lui a volés ! Il ne s'est rendu compte de rien. L’événement crée une petite agitation, et voilà que Trenck devient le centre d’intérêt. Et une qui s’y intéresse vivement, c’est la sœur cadette du roi, la princesse Anne Amélie. Profitant de l’animation dans la pièce, elle s’approche de Trenck et lui chuchote à l’oreille « si vous voulez revoir votre écharpe, rejoignez-moi à tel endroit »

Des rendez vous entre les deux jeunes gens, il y en aura beaucoup, et leur amour devient aussi fort que … secret. Amélie sait que son frère n’acceptera jamais cette union. Quoi qu’il en soit, elle entretient confortablement Trenck financièrement, et il mène une vie des plus aisée. Tellement, qu’un an plus tard, en 1745, il est surveillé par les espions du roi qui découvrent tout. Le roi est à deux doigts d’exploser de fureur, mais il essaye d’abord d’intimider Trenck en lui lançant « Trenck ! Le tonnerre et la tempête s’amassent, prenez garde à vous. » Mais Trenck n’as que faire de la tempête, et continue de voir la princesse … Autour de lui, les jalousies se multiplient, et on complote maintenant pour le faire accuser de correspondances avec l’ennemi. Le roi tombe dans le panneau et croit les calomnies.

C’est alors que le tonnerre, tonna et Alexandre lâcha le mot : « GLATZ !» Trunck fut arrêté, accusé de trahison, et emmené très loin de Berlin, en Silésie à l’est du pays, pour être enfermé dans l’angoissante forteresse. Nous l’avons vu, une fois là-bas il tente une première évasion, mais il est trahit. Puis une seconde, où il se retrouve prisonnier non pas des chaines, mais des détritus…

Les gardes ayant été avertis que Trenck était dans l’égout, le gouverneur de Glatz, Fouquet (qui quelques années auparavant avait été blessé par le père de Trenck en combat singulier et ce qui explique ce qui suit …) ordonne qu’on le laisse là jusqu'à midi pour servir de spectacle à la garnison. Puis on le retira, on l’enferma dans une nouvelle cellule, sans eau pour se laver jusqu’au lendemain. L’abattement et le désespoir sont les nouveaux compagnons de Trenck. Comment ne pas maudire ce roi qui l’accusa à tord et le fit misérable prisonnier. Mais même si l’esprit de Trenck est affaibli et découragé, son instinct lui, est toujours vivace et prêt à tout…

Quelques jours plus tard, le major Doo, vieille connaissance de Trenck vient lui rendre visite. Il est escorté par deux hommes armés. Doo entre dans la cellule et lui explique que ses évasions ne font qu’aggraver la situation. Les oreilles de Trenck l’écoutent parler, mais ces yeux ont repéré l'épée qui brille à la taille du Major… Trenck sent monter en lui une audace qu’il croyait éteinte. Il se lève brusquement, arrache l’épée que Doo porte à la ceinture et bondit hors de la cellule. Il pousse une escouade de 4 gardes violemment qui tombent et roulent dans l’escalier. Il leurs passe par-dessus, croise le fer avec plusieurs soldats qui, frappés de stupeur, n’arrivent pas à l’arrêter. Il parvient jusqu’au premier rempart. Un bref coup d’œil en contre bas, et il saute ! Sa chute est de plusieurs mètres, mais, sans lâcher son épée, il se réceptionne indemne. Il court vers la seconde palissade qui est moins haute. Il saute. Même chose. Ca y est, enfin une évasion qui va réussir. Il court vers le dernier rempart. Personne n’a eu le temps de charger son arme pour tirer. Il est poursuivit par un garde. Trenck monte sur la palissade pour sauter par-dessus et, malheur ! son pied reste coincé entre deux piquets ! Le garde qui arrive jusqu'à lui l’attrape et lui donne un coup de crosse à la lèvre. Les autres rappliquent. Trenck est capturé, puis jeté dans une nouvelle cellule !

Durant tout ce temps là, la princesse Amélie essaye de le faire libérer, mais en vain. Son roi de frère ne veut rien savoir et lui répond « Tant que je serais vivant, Trenck ne verra pas la lumière du jour ! » Amélie décide de rester célibataire et d’attendre l’homme de sa vie.

Pour Trenck, à Glatz, c’est : trois tentatives dévasions ratées et une surveillance qui s’est encore plus renforcée. Mais Amélie parvient à lui fournir de l’argent et il s’en sert pour acheter un de ses geôliers, le lieutenant Schell.

Ensemble, ils tentent une 4eme évasion la veille de Noël 1746. Schell s’est procuré un uniforme de garde qu’il donne a Trenck. Tout les deux, le soir tombé, sortent et font mine de faire une ronde de surveillance. Tout se déroule sans accros, ils passent devant les gardes qui n’y voient que du feu, jusqu'à se qu’ils arrivent devant le troisième et dernier rempart qu’on ne peut franchir qu’avec une autorisation écrite ! Seule solution, sauter. Les deux complices, dans la pénombre de la nuit, se préparent au grand saut. Trenck qu’il n’en est pas à sa première cabriole, saute le premier. Réception impeccable. Il se retourne pour assurer l’atterrissage de son compère et Crack ! Ce dernier se démet le pied ! « C’est fini, on va me fusiller ! Fuyez, laissez-moi ! » Crie-t-il.

C’est mal connaitre Trenck, qui le porte sur son dos et fuit vers la rivière. Là, une barque providentielle les attendait. Montant à l’intérieur ils rament à tour de bras, pendant que dans l’obscurité, résonnent les coups de canon signalant leur fuite ! La barque s’éloigne, mais ils se rendent compte au petit matin, qu’il n’ont fait que tourner en rond. Ils sautent à terre, et toujours avec son blessé sur le dos, Trenck trouve deux chevaux dans une ferme. C’est ainsi qu’ils galopent vers la frontière ! LIBRES !

La nouvelle vie de Trenck fut bien animée encore : Il se refugia en Autriche, à Vienne, où il est accueilli par la reine Marie-Thérèse qui le nomme dans son armée. Puis, une intrigue orchestrée par le comte de Golz et visant à le tuer échoue. Il fuit alors pour la Russie, où il épousera à Moscou, une princesse, Maria Elisabeth. Elle lui donnera pas moins de 14 enfants. Elle mourut quelques temps plus tard en lui laissant un héritage de 700 000 ducats.

En 1758, sa mère meurt à Dantzig, en Prusse. Le pays où ‘Glatz’ fut son cauchemar. Il décide tout de même de s’y rendre pour régler le partage avec ses frères et sœurs. Il pense qu’il est surement tombé dans l’oubli, et pourquoi pas, il pourra peut-être même revoir Amélie...

Une fois sur place, tout semble calme. Pourtant, on est loin d’avoir oublié Trenck !

Un après midi, 30 Hussards qui le reconnaissent s’emparent de lui et l’emmènent à Berlin pour le jeter a nouveau dans un cachot ! Durant 11 mois, on le nourrit avec une miche de pain et de l’eau. Il est dans une sorte de cave voutée où les murs dégoulinent. Il n’a de contact avec les gardes qu’une fois par semaine. Un trou presque imperceptible laisse à peine entrer un trait de lumière. C’est dans ces conditions qu’il faut vraiment s’appeler Frederik Trenck pour faire ce qui suit : tous les jours et avec les moyens du bord, le bois de son lit, il va creuser un tunnel ! Il jette la terre par le seul interstice minuscule de la pièce avec une patience qui n’a d’égale que sa détermination. Le tunnel avance. Il a d’ailleurs presque fini, lorsque les gardes entrent dans son cachot, et lui annoncent : « Vous êtes transféré dans une autre cellule ! Levez vous ! »

Durant son déménagement, son tunnel est découvert ! Il en résulte pour lui qu’il sera dorénavant enchainé par tous les membres ! Le total des chaines faisant 34 Kg. Dans cette nouvelle cellule étroite, on ordonna que sa tombe y soit creusée, et que sa pierre tombale lui serve de siège. Il resta là 9 ans. (3) Qu’auriez vous fait à sa place ? Lui, se met à graver les gobelets en étain dans lesquels il boit, en faisant des petits dessins grâce a un clou. Trenck est doué, et voilà que ses gobelets on un franc succès dans la prison. Un jour, il grave sur l’un deux une vigne et il y ajoute des vers rappelant le récit biblique de Naboth. (1 rois 21:1-17)

Ce gobelet parvient alors jusqu'à l’impératrice Marie-Thérèse qui en est bouleversée. Avec la Reine de Prusse, et la sœur du roi, elle firent pression, et il fut libéré ! Trenck part enfin, vieilli, affaibli, mais libre. Il s’installe à Aix-la-chapelle.

Quelle vie ! se dit-il. Une vie qui mériterait d’être écrite… C’est ce qu’il fit. Il publia même une gazette qui conquit le public.

Puis dans l’année 1787, après 42 ans d’exil, il apprend que le roi de Prusse, Alexandre II, est mort ! Et la princesse Amélie ? Elle est toujours au palais, et célibataire comme elle l’avait juré. Pour lui, c’est le moment de la retrouver ! Trenck fait le voyage. Il arrive au palais, il est annoncé. On assiste alors a des retrouvailles peut ordinaires.

Un homme aux cheveux blancs, au dos vouté par les chaines et les années de prison, au visage altéré par la tristesse et par une vie lestée d’événements dramatiques, qui prend les mains frêles d’une vieille femme à la tête dégarnie, aux bras chétifs et froissés par les rides, qui cherche dans les yeux de son premier amour le reflet de ceux qu’ils étaient il y a plus de 40 ans.

La réunion de ces deux êtres, à la vie singulière, sera de courte durée. La princesse s’éteindra quelque jour après…

Pour Trenck, le récit de son invraisemblable existence ne s’arrête pas là. En 1789 il entend parler de la révolution qui a lieu en France. Cela lui plait, et il décide d’y aller en observateur.

A son arrivé, c’est une star ! En 1788 on avait publié ses mémoires, et ses péripéties époustouflantes avaient touché le peuple de Paris. Ses mésaventures furent même jouées à un théâtre de boulevard (4). Une sculpture en cire le représentant (avec le costume et les chaines qu’il portait en prison) fut offerte au plais Royal.

Malheureusement, c’est une époque où il n’est pas bon d’être trop en vue… il fut accusé, par le parti des montagnards, d’espionnage pour le compte du roi de Prusse. Trenck eu beau se défendre et revendiquer son adhésion à la révolution, il fut condamné à la guillotine (5). Le 7 thermidor an II, (25 juillet 1794), à 68 ans, il se retrouve sur l’échafaud. Trenck regardant la foule dira ces mots : «Pourquoi vous émerveiller ? Ce n’est qu’une comédie à la Robespierre ! »

Trenck fut justement guillotiné 24H avant la chute de Robespierre et la fin de la terreur ...

 

 


1 Trois ans après s’être évadé de Glatz, Trenck rencontra par hasard, en ville, son ancien codétenu qui l’avait livré lors de sa première tentative. Trenck le roua alors de coups de canne. Mais le traitre lui proposa un duel au pistolet. Trenck accepta, et le tua.

2 Trenck était le cousin de Frantz de Trenck, un militaire réputé pour sa grande taille, sa force samsonesque, sa bravoure remarquable, mais aussi pour sa grande férocité ! Pour une faute militaire, il fut enfermé. Mais à l’instar de son cousin, il s’évada de prison. Il sera à nouveaux capturé plus tard et finira par s’empoisonner dans la citadelle de Brünn (Brno).

SOURIS TRENCK

3 En prison, Trenck apprivoisa une souris. Elle devint pour lui un véritable compagnon. Elle mangeait dans sa main et accourrait lorsqu’il la sifflé. Une nuit, elle fit un tel vacarme que les gardes entrèrent dans la cellule pensant que Trenck tramait quelque chose. Il expliqua alors l’histoire de la souris. On lui demanda de le prouver. Il siffla, et elle accourut sur son épaule. Mais le major de la prison l’a lui fit enlever, et l’offrit a une Dame. La souris, fidèle, revint jusqu'à la cellule de Trenck, attendant qu’on ouvre la porte pour s’y faufiler. Mais on lui enleva une seconde fois, et la Dame lui fit faire une cage. La souris s’y laissa mourir deux jours après …

4 La Biographie de Trenck continua d’être jouée sur les scènes de théâtre 35 ans après sa mort.

5 On peut aujourd’hui, voir la tombe de Trenck qui se trouve au cimetière privé de Picpus à Paris.



Google Book – Mémoire du Baron de Trenck - VOL 1 / VOL 2 / Wikipédia – Frederik de Trenck / Anne Amélie de Prusse / La France Pittoresque / Biographie universelle, ancienne et moderne Vol 46, Page 477 – TRENCK / La souris de Trenck

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